La pierre rejetée

Chaque année, au moment de la Pâque, des flux importants de population venus de tout le pays rejoignaient Jérusalem.

À ce moment-là, Jésus avait tant attiré l’attention par ses enseignements et ses miracles que les gens le cherchaient, notamment autour du temple. Les principaux sacrificateurs et les pharisiens avaient déjà comploté son assassinat et donné des ordres pour qu’il soit repéré afin de le faire arrêter. Comme Jésus ne se trouvait pas au temple, la population se mit à douter de sa venue à la fête cette année-là.

En fait, six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie, située à la sortie de Jérusalem. C’était là qu’il avait ramené Lazare d’entre les morts. Une foule nombreuse vint donc y voir Jésus, mais aussi l’homme ressuscité.

À cause de cet intérêt pour Lazare, les principaux sacrificateurs projetèrent de tuer aussi ce dernier, comme l’indique l’Évangile de Jean : « parce que beaucoup de Juifs se retiraient d’eux à cause de lui, et croyaient en Jésus » (Jean 12 : 11, Nouvelle Édition de Genève 1979, tout au long de cet article).

Le lendemain, Jésus envoya deux de ses disciples lui chercher une ânesse et son petit. Il partit ensuite pour Jérusalem, assis sur l’ânon qu’ils avaient ramené. La foule prit des feuilles de palmier et alla à sa rencontre en criant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! » (verset 13). Là était l’accomplissement d’une prophétie ancienne rapportée dans Ésaïe, de même que dans Zacharie : « Dites à la fille de Sion : Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur, et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (Matthieu 21 : 4‑6 ; voir aussi Ésaïe 62 : 11 et Zacharie 9 : 9).

Rapidement, le bruit s’était répandu que Jésus, l’homme qui avait ressuscité Lazare, faisait son entrée à Jérusalem, tel que l’avait annoncé une prophétie messianique. Les pharisiens s’énervaient : « Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voici, le monde est allé après lui » (Jean 12 : 19). Ils demandèrent à Jésus de rappeler à l’ordre ses disciples parce qu’ils l’acclamaient comme le Messie, mais Jésus répondit simplement : « s’ils se taisent, les pierres crieront ! » (Luc 19 : 40).

Comme il approchait de Jérusalem en passant par le mont des Oliviers, Jésus aperçut la ville qui s’étalait devant lui et se mit à pleurer, sachant ce qu’elle aurait à affronter des Romains dans quelques années.

Il s’exclama : « Si toi aussi, au moins en ce jour qui t’est donné, tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix ! Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux. Il viendra sur toi des jours où tes ennemis t’environneront de tranchées, t’enfermeront, et te serreront de toutes parts ; ils te détruiront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps où tu as été visitée. » (versets 42‑44).

Pendant le temps qu’il avait fallu à Jésus pour atteindre le temple, l’enthousiasme avait soulevé la ville toute entière. Les aveugles et les boiteux s’approchaient pour être guéris. Les enfants criaient : « Hosanna au Fils de David ! » (Matthieu 21 : 14‑15).

Quant aux principaux sacrificateurs et aux scribes, ils étaient indignés. « Entends-tu ce qu’ils disent ? », s’insurgèrent-ils.

« Oui », leur répondit Jésus, avant de poursuivre en citant le Psaume 8 « N’avez-vous jamais lu ces paroles : Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle ? » (Matthieu 21 : 16).

LE TEMPS EST COMPTÉ

Après son entrée spectaculaire dans la ville, Jésus se retira à Béthanie. Le lendemain, alors qu’il revenait à Jérusalem, Jésus se trouva affamé. Avisant un figuier couvert de feuilles, il s’en approcha, à la recherche de fruits. Il savait bien que la Pâque n’était pas la saison des figues, mais il profita de la situation pour prêcher.

Dans les Écritures hébraïques, le figuier symbolise parfois Israël. Ainsi, le propre peuple de Jésus avait produit peu de fruits de nature spirituelle. Il maudit alors l’arbre (verset 19) en disant « Que jamais fruit ne naisse de toi ! », se référant ainsi à la future destruction de Jérusalem.

Lorsqu’il atteignit le temple, Jésus chassa pour la deuxième fois les marchands qui achetaient et vendaient. Il renversa les tables des changeurs de monnaies et les bancs des vendeurs de colombes à sacrifier. Il empêcha quiconque de pénétrer dans les cours du temple avec des marchandises. En effet, au lieu d’être une maison de prière pour toutes les nations, ce lieu était devenu le repaire de voleurs, un lieu de rencontre pour des commerçants qui, dans leur quête d’un profit personnel, abusaient de ceux qui venaient là faire leurs dévotions et offrir des sacrifices.

La haine des principaux sacrificateurs, des scribes et des chefs de l’assemblée s’intensifiait, mais ils n’arrivaient pas à trouver une façon de le tuer.

Plusieurs jours durant, Jésus enseigna au temple. La haine des principaux sacrificateurs, des scribes et des chefs de l’assemblée s’intensifiait, mais ils n’arrivaient pas à trouver une façon de le tuer.

Certains des fidèles grecs qui étaient arrivés en Judée pour la Pâque demandèrent au disciple Philippe s’ils pouvaient voir son Maître. Leur demande sembla rappeler à Jésus des paroles qu’il avait adressées aux juifs quelque temps auparavant, quand il leur avait annoncé qu’il ne serait avec eux que pour quelque temps (Jean 7 : 33‑34). C’est pourquoi il leur dit simplement : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » (Jean 12 : 23).

Jésus admit ensuite être particulièrement inquiet quant à sa mort prochaine, tout en sachant qu’il ne pouvait pas demander à son Père de le sauver à cet instant, puisqu’il termina ainsi : « Mais, c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure. » (verset 27).

Soudain, un bruit éclata. Certains dans la foule pensèrent que c’était le tonnerre, d’autres qu’un ange avait parlé à Jésus. Ce dernier les détrompa : « Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre ; c’est à cause de vous » (verset 30). Il leur expliqua ensuite comment il allait mourir et leur dit qu’il allait « être élevé ».

Les membres de l’assistance demandèrent alors : « Nous avons appris par la loi que le Christ demeure éternellement ; comment donc dis-tu : Il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Qui est ce Fils de l’homme ? » (verset 34).

Jésus répondit que tous devaient lui prêter attention tant qu’il serait à leurs côtés : « Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière » (verset 36). Il les quitta ensuite et fut impossible à trouver pendant un certain temps.

AVEUGLÉS PAR LA LUMIÈRE

Nombreux étaient ceux qui avaient assisté aux gestes miraculeux de Jésus, sans pour autant croire en lui. Comme le rappelle Jean, ils accomplissaient ainsi la prophétie d’Ésaïe : « Il a aveuglé leurs yeux ; et il a endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient des yeux, qu’ils ne comprennent du cœur, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. » (verset 40, se référant à Ésaïe 6 : 10). Le prophète avait compris ce que Jésus ferait et l’avait décrit.

Pourtant, la prophétie de l’aveuglement spirituel ne peut être généralisée. Même si certains des pharisiens et des dirigeants croyaient en Jésus, ils étaient trop effrayés à l’idée d’être chassés de la synagogue s’ils venaient à l’admettre.

« Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. »

Jean 12 : 46

Ce fut ce genre de réaction qui poussa Jésus à s’exclamer : « Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé ; et celui qui me voit voit celui qui m’a envoyé. Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres.

« Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde point, ce n’est pas moi qui le juge ; car je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde. Celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge ; la parole que j’ai annoncée, c’est elle qui le jugera au dernier jour. Car je n’ai point parlé de moi-même ; mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et annoncer. Et je sais que son commandement est la vie éternelle. C’est pourquoi les choses que je dis, je les dis comme le Père me les a dites. » (versets 44‑50).

Le lendemain, comme ils passaient devant le figuier que Jésus avait maudit, Pierre constata : « Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit a séché » (Marc 11 : 21).

Jésus répondit : « Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi et que vous ne doutiez point, non seulement vous feriez ce qui a été fait à ce figuier, mais quand vous diriez à cette montagne : Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, cela se ferait. Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez. » (Matthieu 21 : 21‑22).

DES CHEFS DÉLOYAUX

La confrontation de Jésus avec les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens allait bientôt trouver son terme. Alors qu’il enseignait à la foule dans les cours du temple, les chefs s’approchèrent pour lui demander : « Par quelle autorité fais-tu ces choses, et qui t’a donné l’autorité de les faire ? » (Marc 11 : 28). Sans doute faisaient-ils allusion au nettoyage qu’il avait effectué dans le temple et aux miracles qu’il réalisait sans arrêt.

Jésus répliqua : « Je vous adresserai aussi une question ; répondez-moi, et je vous dirai par quelle autorité je fais ces choses ». Il les interrogea alors sur Jean-Baptiste : « Le baptême de Jean venait-il du ciel, ou des hommes ? Répondez-moi. »

Ils en débattirent entre eux avant de conclure qu’ils ne pouvaient pas dire s’il venait de Dieu ou des hommes. En effet, s’ils répondaient qu’il venait du ciel, ils savaient que Jésus demanderait pourquoi ils ne l’avaient pas cru. Et s’ils répondaient qu’il venait des hommes, la population les lapiderait, car elle avait reconnu en Jean un prophète. Il leur fallait donc éviter de donner un avis précis, d’où leur réaction : « Nous ne savons ». Ce à quoi Jésus rétorqua : « Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais ces choses » (versets 29‑33).

Il poursuivit avec trois paraboles pour montrer que les dirigeants n’avaient pas su reconnaître l’œuvre de Dieu.

Il commença par l’histoire d’un homme, père de deux fils, qui avait demandé au premier d’entre eux de partir travailler dans sa vigne. « Je ne veux pas », lui avait-il répondu, avant de changer d’avis et de s’y rendre. Le père alla s’adresser à son autre fils avec la même requête. « Je veux bien, seigneur », répondit ce dernier ; cependant, il ne s’y rendit pas. « Lequel des deux a fait la volonté du père ? », interrogea Jésus. « Le premier », dirent-ils. Se faisant, ils se condamnaient eux-mêmes puisque, à l’instar du second fils, ils affirmaient croire en Dieu, quoique ne faisant pas ce qu’il leur demandait (Matthieu 21 : 28‑31a).

Parlant encore de Jean-Baptiste, Jésus expliqua : « Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui. Mais les publicains et les prostituées ont cru en lui ; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui. » (versets 31b‑32).

Jésus raconta ensuite une parabole au sujet d’un propriétaire qui avait planté une vigne, puis l’avait donnée en location à des exploitants pendant un voyage. À l’époque des vendanges, il envoya ses serviteurs pour qu’ils récupèrent une partie des fruits de la récolte. Les vignerons rouèrent un serviteur de coups, en tuèrent un autre et en lapidèrent un troisième. Le propriétaire dépêcha alors d’autres serviteurs, en plus grand nombre que la première fois. Néanmoins, les vignerons en battirent certains et en assassinèrent d’autres, de nouveau. Le propriétaire se dit qu’il ne lui restait qu’une seule personne pour cette mission. « Ils auront du respect pour mon fils », pensa-t-il, et il l’envoya.

Quand les vignerons le virent, ils se concertèrent avant de conclure : « Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et l’héritage sera à nous » (Marc 12 : 1‑7). C’est ainsi qu’ils le tuèrent et le jetèrent hors des terres de son père. Jésus interrogea alors l’assistance : « Quand le propriétaire viendra, que pensez-vous qu’il fera des vignerons ? Il les fera mourir et donnera la vigne à d’autres » (verset 9 paraphrasé).

Entendant cela, l’auditoire fut scandalisé et s’exclama : « À Dieu ne plaise ! » (Luc 20 : 16b).

Jésus planta son regard sur les membres de l’assistance avant de déclarer : « Que signifie donc ce qui est écrit : La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle ? » (verset 17). Il termina en expliquant aux dirigeants que le royaume de Dieu leur serait repris pour être donné à un peuple qui en tirerait les fruits.

Parlant de lui, il dit : « Celui qui tombera sur cette pierre [d’angle] s’y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé » (Matthieu 21 : 44).

Les principaux sacrificateurs et les docteurs de la loi, conscients que Jésus avait prononcé les deux paraboles à leur encontre, tentèrent de trouver un moyen de l’appréhender sur le champ. Ils renoncèrent pourtant, craignant la réaction de la foule.

Jésus commença une troisième parabole au sujet du royaume céleste : un roi préparait un banquet de noces pour son fils. Il envoya des domestiques chez ceux qui avaient été invités, mais tous refusèrent. Il dépêcha alors davantage de serviteurs pour annoncer que le repas était prêt. De nouveau, les invités n’y prêtèrent aucun intérêt. Certains se contentèrent de vaquer à leurs affaires, tandis que d’autres agressèrent les serviteurs du roi et les tuèrent.

Évidemment, le roi en fut courroucé et envoya son armée pour anéantir ses ennemis et brûler leur ville. De plus, il ordonna à ses domestiques : « Les noces sont prêtes ; mais les conviés n’en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. » Ils partirent donc et ramenèrent tous ceux qu’ils avaient pu trouver, bons et méchants, et la salle du banquet en fut pleine (Matthieu 22 : 1‑10).

« Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

Matthieu 22 : 13

À son arrivée, le roi remarqua qu’un seul homme ne portait pas de tenue pour le mariage. Il s’en étonna auprès de lui : « Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces ? » Comme l’homme ne répondait rien, le roi donna des ordres à ses serviteurs : « Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » (versets 11‑14).

Manifestement, Jésus soulignait par deux fois la réprobation que lui opposaient les autorités religieuses de son époque, puisqu’elles l’avaient rejeté.