David, Roi d’Israël

Quand David prend place sur le trône de Juda, puis de tout Israël, son caractère aux multiples facettes se manifeste peu à peu. Ses forces et ses failles notoires en font l’un des monarques les plus évoqués dans l’histoire.

Le second livre de Samuel est l’histoire du règne de David après la mort de son ennemi juré, Saül, le monarque destitué, rejeté par Dieu et fréquemment troublé par un esprit perturbateur.

Le livre commence en relatant différemment la fin de Saül et de son fils Jonathan. Cette histoire diverge de la précédente, dans laquelle Saül s’est tué en se jetant sur son épée (1 Samuel 31 : 4) car, ici, un Amalécite arrive du champ de bataille et informe David qu’il a achevé Saül à la demande de ce dernier (2 Samuel 1 : 2‑10a). En réaction, David ordonne l’exécution immédiate du jeune homme pour avoir éliminé « l’oint de l’Éternel ». Il faut supposer que le roi ne connaissait pas encore les véritables circonstances de la mort de Saül et que l’évadé amalécite mentait dans l’espoir d’obtenir une récompense pour avoir apporté à David les insignes royaux de Saül, à savoir son diadème et son bracelet (verset 10b).

Mais David et ses hommes ne se sont pas réjouis de la mort de Saül et de Jonathan, et ils traduisirent leur tristesse dans une oraison débutant ainsi : « L’élite d’Israël a succombé sur tes collines ! Comment des héros sont-ils tombés ? » (voir les versets 19 à 27). Bien que Saül l’ait mal traité pendant des années, le jeune souverain ne manifestait aucune haine à son endroit ni aucun contentement de sa mort.

Roi de Juda

À ce stade du récit, David demanda conseil à Dieu pour savoir s’il devait retourner dans l’une des villes de Juda. La réponse fut qu’il devait aller à Hébron. Avec ses deux épouses et les hommes qui l’avaient accompagné pendant les années où il fuyait Saül, il s’y rendit et fut fait roi par la maison de Juda (2 : 1‑4a, 7). Ce règne sur le seul pays de Juda allait durer sept ans et demi.

Au nord, dans la région transjordanienne, certains chefs de la ville de Jabès en Galaad avaient soutenu Saül puis avaient veillé à ce qu’il ait une sépulture honorable. Ils avaient décroché sa dépouille, ainsi que celles de ses fils, des murs de la ville de Beth-Schan où les Philistins les avaient empalés. Après avoir brûlé les cadavres, ils avaient enterré les os (1 Samuel 31 : 11‑13). Dans un message qu’il leur envoya, David reconnaissait leur bonté et leur fidélité à l’égard de Saül et leur annonçait sa désignation en tant que roi de Juda.

Peut-être David essayait-il ainsi d’unifier toutes les tribus d’Israël sous son contrôle. Dans ce cas, son geste ne fut pas récompensé immédiatement car Abner, le commandant de l’armée de Saül, amena Isch-Boscheth, le fils de l’ancien roi, à Mahanaïm (sans doute la capitale de Galaad) pour l’introniser sur tout Israël, hormis Juda. Isch-Boscheth semble avoir été sous la coupe d’Abner et avoir régné deux ans seulement, peut-être après avoir consolidé peu à peu sa souveraineté (2 Samuel 2 : 8‑9).

À cette époque, Joab, le fils de Tseruja, qui était la sœur de David, fut impliqué dans un violent affrontement avec Abner et ses hommes. Asaël, le frère de Joab, mourut de la main d’Abner, ce qui provoqua un nouveau bain de sang. Cependant, Joab, qui commandait l’armée de David, ne perdit que 19 hommes (en plus d’Asaël) tandis qu’Abner en perdit 360. Ce fut le début d’une période difficile pour les descendants de Saül : « La guerre dura longtemps entre la maison de Saül et la maison de David. David devenait de plus en plus fort, et la maison de Saül allait en s’affaiblissant » (2 Samuel 3 : 1).

Nous apprenons que, pendant ses années à Hébron, David eut six enfants de six femmes différentes. L’un d’eux était Absalom, lequel allait beaucoup peiner David par la suite.

« La diversité du harem de David laisse supposer qu’il utilisait sciemment le mariage à des fins non seulement familiales mais aussi politiques ; il consolidait ainsi adroitement le socle de son pouvoir. »

Robert D. Bergen, The New American Commentary, Volume 7 : 1, 2 Samuel

Comme nous l’avons déjà noté, la biographie de David s’étend sur une longue période, au cours de laquelle son caractère évolue. Bien qu’à la fin de sa vie, on ait dit de lui qu’il était un « homme de guerre », il était aussi capable de changer sincèrement lorsque certains de ses défauts lui étaient révélés. De plus, bien qu’il ait entretenu plusieurs épouses et concubines, Dieu l’a appelé « un homme selon son cœur ». David avait un caractère à plusieurs facettes et, parfois, la réaction divine à ses faiblesses peut sembler partiale. Néanmoins, elle est explicable.

Un royaume réunifié

C’est alors qu’Abner trouva un motif d’irritation contre Isch-Boscheth, car le jeune homme avait accusé son chef militaire d’avoir pris la concubine de Saül, son père. Offensé, Abner approcha David et lui promit son appui, prétendant pouvoir amener tout Israël sous la domination du roi. Celui-ci invita Abner à le rencontrer, demandant en même temps qu’il ramène son épouse Mical, la fille de Saül, que son père avait donnée à un autre homme. Était-ce une tentative de David visant à diviser la famille de Saül et à rallier tout Israël à son camp ?

Abner réussit à obtenir le retour de David en lui assurant le soutien d’Israël. Cependant, quand Joab arriva à Hébron et apprit qu’Abner était venu et avait été autorisé à repartir, il lança ses hommes à sa poursuite. Plus tard, il le tua pour venger la mort de son frère Asaël. Cet acte faillit anéantir l’appui d’Israël, que David avait acquis grâce à Abner. Finalement, l’empathie qu’il manifesta, en suivant le cercueil d’Abner et en chantant une complainte à l’enterrement, sauva la situation. Néanmoins, le roi était profondément perturbé par les actes de ses neveux Joab et Abishaï : « Je suis encore faible, quoique j’aie reçu l’onction royale ; et ces gens, les fils de Tseruja, sont trop puissants pour moi. Que l’Éternel rende selon sa méchanceté à celui qui fait le mal ! » (verset 39). Le peuple comprit que David n’avait pas eu l’intention de tuer Abner.

Quand Isch-Boscheth apprit la mort d’Abner, il fut pris de découragement, comme beaucoup d’Israélites qui étaient avec lui. Or, deux de ses serviteurs, sentant qu’ils pouvaient profiter de la situation, l’assassinèrent et rapportèrent sa tête tranchée à David. Faisant encore preuve de compassion à l’égard de la maison de Saül, le roi fit exécuter les meurtriers.

C’est à l’âge de trente ans que David devint roi de tout Israël : « Ainsi tous les anciens d’Israël vinrent auprès du roi à Hébron, et le roi David fit alliance avec eux à Hébron, devant l’Éternel. Ils oignirent David pour roi sur Israël » (5 : 3). Il allait dominer Israël et Juda depuis Jérusalem pendant les trente-trois années suivantes, cumulant ainsi quarante ans de règne.

L’établissement de Jérusalem en tant que capitale fut un événement majeur des débuts de David. Il captura la ville aux Jébusiens, la fortifia et bâtit un palais avec l’aide de Hiram, souverain de Tyr. À Jérusalem, il allait prendre d’autres épouses et d’autres concubines, et avoir onze autres enfants, parmi lesquels son successeur : Salomon.

Actes royaux

Après que David fut désigné roi de tout Israël, les Philistins le combattirent deux fois mais furent vaincus, abandonnant leurs idoles derrière eux en se retirant dans leurs villes. Alors, dans ce qu’on pourrait considérer comme une parade à l’idolâtrie philistine, David décida de rapporter l’arche d’alliance dans la capitale, car elle était restée à Kirjath-Jearim, dans la maison d’Abinadab, depuis l’époque du prophète Samuel (6 : 2). Apparemment, Saül ne lui avait pas prêté grande attention, mais David lui redonna toute sa place au milieu du peuple.

Pendant le trajet, l’un des fils ou petits-fils d’Abinabab appelé Uzza tendit le bras pour stabiliser l’arche car les bœufs qui tiraient le chariot la faisaient pencher. Ce geste instinctif, jugé comme une « faute », provoqua sa mort, sans doute parce que seuls certains lévites étaient autorisés à porter l’arche, mais ils étaient censés le faire en utilisant des barres, pas un chariot, pour éviter de la toucher (Exode 25 : 14‑15 ; Nombres 4 : 15 ; Deutéronome 10 : 8). Le châtiment d’Uzza était un avertissement sévère contre les risques de désobéir aux instructions claires de Dieu et d’enfreindre le caractère sacré de l’arche et de son contenu.

La mort d’Uzza effraya David et le poussa à interrompre le transfert de l’arche. Il la déposa dans une maison toute proche qui appartenait à un Lévite, Obed-Édom (2 Samuel 6 : 9‑11 ; voir aussi 1 Chroniques 15 : 18, 24‑25). Ayant constaté les bienfaits sur  la maison du Lévite au cours des trois mois suivants, David demanda ensuite aux personnes habilitées de transporter l’arche jusqu’à Jérusalem, ce qui fut l’occasion de grandes réjouissances (2 Samuel 6 : 12 ; 1 Chroniques 15 : 11‑15), et il la plaça finalement dans une enceinte protégée. Par mégarde, David prit part aux danses joyeuses qui se déroulaient, et son épouse Mical en fut indignée (2 Samuel 6 : 14, 16, 20). À cause de son attitude critique, elle n’eut jamais d’enfant (verset 23), ce qui marqua la fin de la maison de Saül et renforça, d’une certaine façon, la maison de David.

Désormais en paix dans son royaume unifié, le roi commença à se dire qu’il devrait construire une maison pour Dieu, un temple. Il en parla au prophète Nathan qui lui conseilla d’agir selon son cœur dans ce projet. Par ailleurs, Dieu transmit un message au roi en rendant visite à Nathan : il confirmait son alliance avec David, lui promettait d’établir sa dynastie et l’assurait que son fils construirait le temple (Chapitre 7).

En soumettant plusieurs rois et nations voisines dans les années qui suivirent, David conquit la Philistie, Moab, Tsoba, la Syrie, Ammon et Édom (8 : 1‑14). Son territoire s’étendait de toutes parts. Il fut un dirigeant couronné de succès, avec un gouvernement bien structuré qui incluait plusieurs membres de sa famille : son neveu Joab était à la tête de l’armée et ses fils étaient « ministres d’État » (8 : 16‑18).

Le royaume de David

Adapté de Holman Book of Biblical Charts, Maps, and Reconstructions (Marsha A. Ellis Smith, June Swann, Trent C. Butler, Christopher L. Church et David S. Dockery [dir.], 1993), et Holman Bible Atlas (Thomas V. Brisco [dir.], 1998), Nashville (Tennessee), Broadman & Holman Publishers.

À cette époque, David chercha les membres de la famille de Saül qu’il pouvait soutenir. C’est ainsi qu’il trouvait une manière d’honorer la requête que Jonathan, le fils de Saül, lui avait faite : « Si je meurs, ne retire jamais ta bonté envers ma maison [ma famille], pas même lorsque l’Éternel retranchera chacun des ennemis de David de dessus la face de la terre » (1 Samuel 20 : 15). Il restait un fils de Jonathan, Mephiboscheth, qui était handicapé. David fit en sorte que celui-ci reçoive des terres et des serviteurs, et qu’il ait toujours une place à la table royale (2 Samuel 9 : 6‑13).

Récompenser ceux qui l’avaient aidé à ses débuts était un trait de caractère de David. Il fit de même avec le fils du roi d’Ammon : « Je montrerai de la bienveillance à Hanun, fils de Nachasch, comme son père en a montré à mon égard » (10 : 2). Mais cette démarche ne réussissait pas toujours. Au lieu d’accepter les condoléances de David à la mort de son père, Hanun fut convaincu par ses courtisans méfiants que les envoyés du roi étaient venus pour reconnaître le terrain. Après avoir humilié ces émissaires et attaqué Israël, ils n’allaient pas tarder à découvrir que même leur alliance avec la Syrie ne les sauverait pas. David leur infligea une sévère défaite et, ce faisant, enseigna aux Syriens une leçon importante : ne pas s’allier aux Ammonites (versets 3‑19).

David et Bath-Schéba

Il se produit alors l’un des événements les plus sombres de la vie de David : son adultère avec Bath-Schéba et le meurtre par procuration de son époux. L’histoire est rapportée en quatre temps : la liaison de David (11 : 2‑5), sa tentative de dissimulation du problème (versets 6‑13), l’assassinat d’Urie (versets 14‑25) et le résultat désolant (versets 26‑27a).

« Le narrateur écarte tout le pan royal pour voir l’homme, l’homme ambigu, contradictoire, empêtré, l’homme entraîné sans discernement, aux prises avec toute une palette d’émotions. »

Walter Brueggemann, David’s Truth in Israel’s Imagination and Memory

Seul à Jérusalem, tandis que ses hommes combattaient les Ammonites, David fut pris d’insomnie et sortit sur le toit de sa maison. De ce lieu surélevé, il vit une femme qui se baignait chez elle. Piqué par sa beauté, il demanda qui elle était et apprit qu’il s’agissait de Bath-Schéba, l’épouse de Urie le Héthien, l’un de ses meilleurs soldats, (versets 3 ; 23 : 8a, 39). Il envoya des messagers la chercher.

L’infidélité qui s’ensuivit fit que Bath-Schéba tomba enceinte. Comme elle n’avait pas été avec son mari depuis quelque temps et venait de terminer son cycle menstruel (11 : 4), David savait que lui seul pouvait être le père, ce qu’il tenta alors de dissimuler. D’abord, il essaya de persuader Urie, qu’il avait rappelé du camp militaire, de passer la nuit avec sa femme. En soldat de principe, celui-ci refusa puisque la campagne n’était pas terminée. David fit une nouvelle tentative, cette fois en le faisant boire. Mais Urie ne voulut pas passer la nuit chez lui, cette fois encore.

David aggrava sa faute en envoyant un message à Joab, transmis par Urie lui-même, pour qu’il place l’homme au plus fort de la bataille, là où il serait probablement tué. Le soldat transportait effectivement son arrêt de mort. Avec d’autres, il succomba, ce que Joab confirma à David par un messager. L’insensibilité du roi s’exprimait dans les instructions qu’il lui donna : « Voici ce que tu diras à Joab : Ne sois point peiné de cette affaire, car l’épée dévore tantôt l’un, tantôt l’autre ; attaque vigoureusement la ville, et renverse-la. Et toi, encourage-le ! » (11 : 25). Bath-Schéba pleura son époux, puis devint la femme de David.

Nathan admonestant David, Rembrandt Harmenszoon van Rijn (plume et encre de bistre, vers 1650‑1655)

Ce que David avait fait était mal aux yeux de Dieu, qui s’assura que l’homme en subirait les conséquences. Envoyant le prophète Nathan avec un récit fictif sur une injustice sociale et morale, Dieu accula David. Le prophète raconta l’histoire d’un riche qui avait un troupeau et qui pénalisa un pauvre homme en prenant son unique brebis pour nourrir un voyageur. Cet acte mit David très en colère. Il s’exclama : « L’Éternel est vivant ! L’homme qui a fait cela mérite la mort. Et il rendra quatre brebis, pour avoir commis cette action et pour avoir été sans pitié » (12 : 5‑6). Après cet emportement, Nathan déclara « Tu es cet homme-là ! » puis il prononça la condamnation divine. David avait tout reçu, y compris la monarchie, les possessions de Saül, Juda et Israël. Il aurait pu avoir davantage s’il l’avait demandé, mais son mépris pour la voie de Dieu, le meurtre d’Urie et la soustraction de son épouse allaient attirer sur David des combats incessants : de l’intérieur et de l’extérieur de sa maison. David avait péché en secret mais Dieu allait le punir ouvertement (versets 7‑12). Le châtiment, la restitution de quatre brebis mentionnée par David, frapperait sa maison par les morts successives de quatre de ses enfants : le premier-né de Bath-Schéba, Tamar, Amnon et Absalom.

« La confession de David a eu lieu immédiatement, sans dénégation et sans excuse ; de même, le pardon de l’Éternel a été direct et sans conditions. »

Robert D. Bergen, The New American Commentary, Volume 7 : 1, 2 Samuel

En conséquence, David reconnut son péché. La réponse de Dieu fut alors de lui pardonner et de lui assurer qu’il ne mourrait pas, même si d’autres effets seraient immédiats : le fils que Bath-Schéba avait porté allait mourir. David implora Dieu de guérir l’enfant en jeûnant pendant sept jours. Cependant, quand l’enfant mourut, alors que ses serviteurs craignaient de lui annoncer la nouvelle de peur de l’affliger, David se contenta de se laver, de s’habiller et « il alla dans la maison de l’Éternel, et se prosterna » (12 : 20), puis il mangea.

David réconforta son épouse et, plus tard, Bath-Schéba donna naissance à un autre fils, Salomon, un enfant que Dieu lui-même aima (verset 24). Dieu transmit une parole d’affection par l’intermédiaire de Nathan ; c’est pourquoi l’enfant fut appelé Jedidja (en hébreu, « bien-aimé de l’Éternel »).

Ce fut à cette époque que le combat de Joab contre le peuple d’Ammon parvint à son terme. David arriva à leur capitale, Rabba (la ville actuelle d’Amman, en Jordanie), il s’en empara, la pilla et prit la couronne du roi ammonite pour lui-même (versets 26‑30).

Animosité filiale

La promesse divine que David vivrait constamment des conflits dans sa famille commença à se concrétiser, d’abord dans sa relation avec ses enfants Absalom, Amnon et Tamar (voir le chapitre 13). Il est possible que l’incident suivant, le viol de Tamar, ait été une tentative délibérée de la part d’Amnon, en tant qu’aîné et, par conséquent, successeur de David, d’établir sa suprématie sur Absalom, plus populaire.

Au fil du récit, nous voyons un Amnon amoureux (ou plutôt frustré), qui avait très envie d’avoir des relations sexuelles avec Tamar, la sœur d’Absalom, donc sa propre demi-sœur. Avec la complicité de son cousin Jonadab, Amnon attira la jeune fille dans un piège grâce auquel il pourrait la forcer à coucher avec lui. Elle l’implora de renoncer, peut-être pour gagner du temps, en suggérant que le roi ne s’opposerait pas à ce qu’il l’ait en mariage (verset 13b). Pourtant, Amnon ignora sa supplique et assouvit son désir en la violant. Après son crime, il la méprisa et la fit jeter dehors, livrée à sa honte. Absalom apprit de Tamar ce qui s’était passé mais décida de ne pas régler cela avec Amnon, préférant attendre l’occasion de venger sa sœur. Bien que David ait entendu parler de l’affaire et en ait été irrité, il ne fit rien, semble-t-il (verset 21).

« La stricte économie narrative de la Bible, sa capacité à définir des personnages et à ciseler des dialogues révélateurs en quelques touches évocatrices, n’est nulle part plus brillamment mise en œuvre [que dans l’histoire de David]. »

Robert Alter, The David Story: A Translation With Commentary of 1 and 2 Samuel

Deux ans plus tard, Absalom organisa une fête pour ses frères à l’occasion de la tonte des moutons et, comme le roi n’allait pas y assister en personne, il lui demanda la permission d’y convier Amnon. Une fois celui-ci sur place, Absalom le fit tuer par ses serviteurs. Voyant cela, les autres frères s’enfuirent et David entendit dire qu’Absalom avait assassiné tous ses fils. Profondément peiné, le roi fut ensuite rassuré par Jonadab, dont la moralité était plutôt douteuse, sur le fait que seul Amnon était mort. Jonadab était-il aussi devenu conseiller d’Absalom ? Ce dernier partit sans attendre dans le sud du Golan et s’exila dans la maison du père de sa mère, le roi de Gueschur. Amnon étant mort, Absalom se trouvait au premier rang dans la succession au trône de David. C’est ce qui fonde le récit de sa future rébellion et de sa remise en cause de la position du roi.

Trois années passèrent et David se résigna à la mort d’Amnon, laissant peut-être la porte ouverte à un retour d’Absalom. En tout cas, Joab décida de faciliter la fin de cet exil en demandant à une veuve sage d’approcher David avec une histoire inventée à propos d’un meurtre et d’une vengeance nécessitant le jugement du roi. Après qu’il eut rendu sa décision, la veuve fit remarquer que lui-même n’appliquait pas son propre conseil de principe puisqu’il gardait Absalom à distance (14 : 13‑17). David prenant alors conscience que Joab devait être à l’origine de cette visite, il interrogea la femme sur son implication. Elle admit son intervention, ce qui poussa David à ordonner à Joab de ramener Absalom à Jérusalem. Cependant, il fallut deux ans avant que le roi acceptât un face-à-face avec son fils. Entre-temps, Absalom avait sollicité Joab pour qu’il aide à cette entrevue, allant jusqu’à incendier un champ d’orge appartenant à Joab afin d’obtenir son attention et de le questionner sur l’intérêt d’avoir été le chercher à Gueschur. Joab céda et l’amena auprès de David qui lui fit bon accueil.

L’intention cachée d’Absalom fut bientôt évidente car il prit publiquement une place importante et subversive. Quand des gens venaient à la ville avec un différend que le roi devait régler, Absalom se faisait bien voir en leur disant que, si lui était juge, il résoudrait leur problème au lieu de les obliger à attendre la décision du roi, qui n’avait pas de substitut (15 : 2‑5). « Absalom agissait ainsi à l’égard de tous ceux d’Israël, qui se rendaient vers le roi pour demander justice. Et Absalom gagnait le cœur des gens d’Israël » (verset 6).

Au bout de quatre années de ce comportement, la situation était proche d’une rébellion ouverte. Absalom se rendit alors à Hébron avec l’autorisation du roi, en prétextant « accomplir le vœu que j’ai fait à l’Éternel. Car ton serviteur a fait un vœu, pendant que je demeurais à Gueschur en Syrie ; j’ai dit : Si l’Éternel me ramène à Jérusalem, je servirai l’Éternel » (versets 7b‑8). Cependant, sa démarche était insidieuse. Il envoya des hommes dans tout Israël pour annoncer que, quand la population entendrait les trompettes retentir, ce serait le début du règne d’Absalom sur Hébron (verset 10). L’un des conseillers de David, Achitophel, rejoignit la rébellion, « la conjuration devint puissante, et le peuple était de plus en plus nombreux auprès d’Absalom » (verset 12b).

Lorsque David entendit parler de cette révolte grandissante, il décida de fuir Jérusalem. Nous poursuivrons avec le récit de la défaite d’Absalom et du retour de David dans la cité, dans la partie 19 de La Loi, les Prophètes et les Écrits.