Dans les eaux agitées

Le Moyen-Orient fait face à des pénuries d’eau perpétuelles qui chauffent parfois les esprits des différents pays concernés. Ces derniers vont-ils arriver à trouver une solution équitable ?

Portant des pots à lait, des bouteilles et des seaux vides, Nahla Ameen et ses deux enfants prennent le chemin qui les mène de leur village de Cisjordanie, Ein Arik, jusqu’à une petite source située juste en dehors de la colonie. C’est le matin très tôt et il sont venus à la source, comme d’autres colons, pour prendre de l’eau.

Pour Ameen, ces allers et venus font partie de la routine quotidienne. « Nous sommes toujours fatigués quand nous arrivons à la maison », dit-elle. « Une fois remplis, les bidons sont vraiment très lourds. Les rapporter à la maison est un travail épuisant, surtout en été quand il fait très chaud. » Pourtant, ça n’a pas l’air d’être un problème pour Ameen. Elle est tout simplement contente d’avoir un peu d’eau pour sa famille.

« Il n’y a pas de canalisations publiques ni d’eau courante où nous habitons », affirme Ameen. « Des camions-citernes viennent bien dans nos villages mais ça coûte trop cher. Le prix d’une citerne équivaut à la moitié du salaire hebdomadaire de mon mari. L’eau de la source est gratuite au moins. »

Même si elle est contente de pouvoir prendre cette eau, Ameen ajoute qu’elle ne peut pas, avec ses enfants, porter une quantité d’eau assez importante pour couvrir tous les besoins de la famille. « Nous avons de l’eau à boire et pour faire la cuisine, mais on n’en a jamais assez pour laver nos vêtements, nettoyer le sol ou prendre plus de quelques bains par mois. »

La famille d’Ameen n’est pas un cas à part. Pour la plupart des gens vivant en Cisjordanie – et en fait dans tout le Moyen-Orient – l'eau n'est pas quelque chose que l'on doit prendre pour acquis. Dans cette région du monde, l'eau est une denrée rare et plus le temps passe, plus elle se fait rare.

Selon la Banque mondiale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord représentent 5 % de la population mondiale. Pourtant, ils possèdent moins d'un pour cent des ressources renouvelables en eau douce de la planète. La Banque mondiale affirme qu’au niveau régional, la ressource en eau par personne a chuté à 62 % depuis 1960 et l’on estime qu’elle va continuer de chuter jusqu’à 50 % dans les 30 prochaines années.

La moyenne annuelle de ressource d’eau par personne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est aujourd’hui de 1 200 mètres cubes – de loin la plus basse du monde. « Cela représente à peu près un tiers du niveau de ressource d’eau en Asie, 15 % de celui de l’Afrique et 5 % de celui de l’Amérique latine », remarque Jamal Saghir, responsable du secteur de l’Eau à la Banque Mondiale pour les zones du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Au niveau mondial, la ressource d’eau par an et par habitant est en moyenne d’environ 7 500 mètres cubes. Au Moyen-Orient, l'Iran possède la ressource d'eau par an et par habitant la plus élevée, à savoir 1 800 mètres cubes. Le Yémen, la Jordanie, le Kuwait, Gaza et la Cisjordanie ont la plus basse, à savoir 200 mètres cubes ou parfois moins.

En termes pratiques, les choses quotidiennes de la vie dans d’autres régions du monde comme faire du café, prendre un bain, faire la vaisselle ou arroser le jardin, constituent souvent un véritable luxe au Moyen-Orient. Dans certains endroits, comme la Cisjordanie et Gaza, la plupart des habitants n’ont pas l’eau courante dans leur maison. Et obtenir de l’eau signifie qu’il faut payer des sommes exorbitantes ou bien attendre des heures interminables aux pompes publiques pour remplir ses citernes. D’un autre côté, dans une ville comme Amman, les habitants sont reliés au réseau hydraulique de la ville, mais l’eau est rationnée et les autorités en charge de l’eau n’ouvrent les pompes que deux ou trois fois par semaine.

Bien sûr, les pénuries d’eau ne constituent pas un nouveau défi dans la région. « Le Moyen-Orient a toujours eu des ressources limitées en eau », déclare Aaron T. Wolf, professeur de géographie, Directeur de la base de données des conflits transfrontaliers sur l'eau douce, et coéditeur de Water in the Middle East (paru aux éditions University of Texas Press en 2000). « Les sécheresses sont courantes, elles font naturellement partie du climat. La plupart des précipitations dans la région sont très irrégulières, locales et imprévisibles. » En fait, la plupart du Moyen-Orient a connu la pire des sécheresses depuis 100 ans, faisant chuter énormément le niveau d’eau des rivières, des lacs et des aquifères de la région. Même si dans certains endroits, les précipitations hivernales en dessus de la moyenne ont amélioré quelque peu la situation de sècheresse (la mer de Galilée, par exemple, dont le niveau n’avait cessé de baisser depuis 1992, est de nouveau remplie), M. Wolf précise aussitôt qu’il existe d’autres facteurs qui jouent un rôle (voir « Où est passée toute l’eau ? » en regard).

Fleuves majeurs

Comme il est prévu que les pénuries d’eau augmentent ces prochaines années, nombreux sont ceux qui croient qu’il y aura une inévitable compétition pour les ressources d’eau entre les différentes nations du Moyen-Orient. Nous avons déjà assisté à certains conflits pour l’eau et différents leaders politiques pensent que les conflits à venir auront très souvent lieu au sujet de l’accès à l’eau. Selon Saghir, « assurer une distribution d’eau équitable et adéquate dans la région est d’une importance capitale pour construire une paix durable parmi les nations du Moyen-Orient. »

« Assurer une distribution d’eau équitable et adéquate dans la région est d’une importance capitale pour construire une paix durable parmi les nations du Moyen-Orient. »

Jamal Saghir de la Banque Mondiale

Bien que la région dispose de nombreuses rivières internationales et de différents aquifères partagés, les plus grandes sources de conflits pour l’eau sont les trois bassins fluviaux internationaux (le Nil, le Tigre-Euphrate et le Yarmouk) ainsi que les aquifères dans les territoires occupés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Le Nil

Fleuve le plus long du monde, le Nil et ses affluents, coulent en Égypte, en Éthiopie, en Erythrée, au Soudan, en Tanzanie, en Ouganda, au Kenya, au Zaïre, au Burundi et au Rwanda. Parmi ces nations, l’Égypte est sans doute la plus dépendante du Nil. « L’Égypte est le seul pays riverain sur le Nil où le besoin d’eau de l'agriculture ne peut être satisfait ; le pays dépend entièrement du Nil pour sa production alimentaire », affirme Munther Haddadin, conseiller en ressources en eau au Moyen-Orient et ancien Ministre pour l’Eau et l’Irrigation en Jordanie entre 1997 et 1998. « Tous les autres pays riverains ont des régions qui bénéficient de la pluie et qui peuvent produire de la nourriture, à l’exception du nord du Soudan, mais le sud du Soudan bénéficie d'une bonne pluviosité et de terres labourables. »

Jusqu’à présent, les principaux conflits au sujet de l’eau ont impliqué l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan. L’Égypte a depuis longtemps affirmé son contrôle sur une grande partie du Nil. Mais ces dernières années, l’Éthiopie a fait de plus en plus entendre ses objections concernant l’utilisation que l’Égypte fait du Nil, affirmant que l’accord de répartition des eaux du Nil de 1959 était très injuste. Soutenant que l’accord favorisait l’Égypte et le Soudan, l’Éthiopie a commencé dans les années 90 à planifier unilatéralement le détournement des eaux du Nil pour son propre usage.

L’Égypte, pays riverain en aval, craint que l’Éthiopie ne construise des barrages sur les hauteurs ou encore un canal, qui exploiteraient à une large échelle les sources du Nil. Ces deux dernières décennies, l'Égypte a même fait parfois allusion à une éventuelle intervention militaire contre l’Éthiopie si cette dernière essayait de retenir les eaux du Nil et empêchait qu'elles ne descendent vers l'Égypte.

Le Soudan a également exprimé son désir d’utiliser davantage les eaux du Nil, menaçant même en 1995 de se retirer de l’accord de 1959. Ceci n’a cessé de menacer la stabilité des pays voisins, mettant en danger l’accès à l’eau à la fois de l’Éthiopie et de l’Égypte.

Le Tigre et l’Euphrate

Le Tigre et l’Euphrate ont leurs sources dans les montagnes du sud-est de la Turquie. De là, les deux rivières coulent à travers la Syrie et l’Irak avant de se jeter dans le Shatt-al-Arab qui, lui, se jette dans le golfe Persique.

Ces dernières années, l’Irak, la Syrie et la Turquie ont échangé des menaces verbales concernant l'utilisation de ces rivières partagées. La Turquie mène en ce moment un programme de développement, le Projet d'Anatolie du Sud-Est (GAP), comptant la construction de 22 barrages et réservoirs sur le Tigre et l’Euphrate. « Cela a créé une source de dispute avec l’Irak et la Syrie qui exigent que les Turcs laissent passer plus d’eau vers leurs pays », déclare Wolf.

Jusque-là, la Turquie a réalisé environ la moitié du projet GAP. Une fois que tout sera opérationnel, l'on estime que le débit d'eau vers l'Irak sera réduit de 80 % par rapport à 1980 et celui vers la Syrie de 40 %.

Un autre aspect du conflit est celui de la qualité de l'eau. « Comme la Turquie prend de plus en plus d'eau en amont de l'Euphrate, l’eau douce est enlevée du fleuve et la salinité en aval, en Syrie et en Irak, est de plus en plus élevée. Cependant, les plus grands dégâts sont à venir. L’irrigation turque du bassin fluvial en amont fait que de l’eau de drainage saumâtre retourne dans la rivière après l’utilisation pour l'irrigation. Ce qui augmentera les problèmes d’environnement de l’eau de l’Euphrate en Syrie et en Irak », explique Haddadin.

Pour compliquer encore plus la situation, la Syrie soutient le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans son insurrection contre la Turquie – soutien qui a incité la Turquie à menacer de bloquer l’eau.

« Aucun conflit concernant le Tigre et l’Euphrate n’a été résolu. Il n’existe pas non plus de mécanisme, comme une commission internationale du bassin fluvial, avec lequel il serait possible de négocier une solution équitable. »

Aaron T. Wolf

« Aucun conflit concernant le Tigre et l’Euphrate n’a été résolu. Il n’existe pas non plus de mécanisme, comme une commission internationale du bassin fluvial, avec lequel il serait possible de négocier une solution équitable. La Turquie peut donner suite à son projet parce qu’elle est la plus puissante au niveau économique et militaire », déclare Wolf. Ce dernier ajoute également que, comme ni la Turquie, ni l’Irak ni la Syrie ne se mettent d’accord sur la façon de définir le droit de propriété sur les ressources en eau, tous croyant que le droit de propriété et non la distribution égale est le problème principal, ils ne discutent actuellement d’aucun compromis.

Le Jourdain-Yarmouk et les aquifères

Le troisième fleuve principal du Moyen-Orient est, certes, plus petit que les autres, mais la source de conflit concernant ses eaux est immense. Le Jourdain est constitué du haut Jourdain et du bas Jourdain ainsi que de quatre affluents, le plus grand d’entre eux étant le Yarmouk. Le bassin fournit des ressources d’eau importantes pour la Jordanie, la Syrie, le Liban, Israël et la Cisjordanie, et il a été la source de nombreux conflits entre Israël et ses voisins arabes.

À la racine du conflit se trouve le fait que le débit annuel de tout le bassin du Jourdain est sous contrôle israélien depuis la guerre arabo-israélienne de 1967, y compris le bassin de la mer de Galilée (appelée encore mer de Tibériade ou mer de Kinnéreth) au nord d'Israël et le plateau du Golan. De plus, Israël contrôle l’aquifère de la Montagne et l’aquifère oriental en Cisjordanie ainsi que l’aquifère côtier de la bande de Gaza.

« Les Arabes de la région croient généralement que les Israéliens utilisent plus que leur part équitable d’eau », déclare Saghir. Selon les statistiques de la Banque mondiale, les Palestiniens et les Jordaniens disposent de 200 mètres cubes d’eau par an et par personne alors que la moyenne pour les Israéliens est de 447 mètres cubes par an.

La plupart des frictions de ces dernières années sont liées à l’aquifère de la Montagne qu’Israël partage soi-disant avec les Palestiniens en Cisjordanie. Israël dépend de cet aquifère pour un tiers de ses besoins en eau. Bien qu’une partie de l’eau coule naturellement en Israël, la plupart de l’eau de l’aquifère provient du territoire palestinien, et pourtant Israël contrôle le pompage et consomme environ 80 % de la ressource, selon Abdel Rahman Tamimi, expert dans le domaine des nappes phréatiques au sein du Groupe Palestinien d’Hydrologie (PHG). C’est une source permanente de litiges car les Palestiniens considèrent que cette eau est légitimement la leur. « Les colonies israéliennes ont de l’eau, du gazon et des piscines alors que des dizaines de villages palestiniens ne possèdent pas d'installation adéquates et souffrent de pénurie d'eau », affirme Tamini.

« Les colonies israéliennes ont de l’eau, du gazon et des piscines alors que des dizaines de villages palestiniens ne possèdent pas d'installation adéquates et souffrent de pénurie d'eau », affirme Tamini.

En Cisjordanie, beaucoup de sources et de puits ont séché et l’agriculture en souffre énormément. Le PHG est convaincu que c’est la faute d’Israël - qu’Israël prend la plupart de l’eau pour sa propre consommation et interdit aux Palestiniens de creuser de nouveaux puits ou d’approfondir les puits existants. Les Israéliens indiquent qu’une ressource illimitée en eau potable est accessible à tous dans les territoires occupés, mais que ni les Israéliens ni les Palestiniens ne peuvent creuser de nouveaux puits pour l’agriculture alors que le niveau de la nappe phréatique est bas.

Aucun accord durable n’a été trouvé sur la répartition équitable des aquifères de la région ou des eaux du bassin du Jourdain. Selon Wolf, « le manque d’eau a aggravé les tensions entre les Israéliens et les Palestiniens ainsi que les rivalités ethniques et les conflits de frontière. Je pense que les Palestiniens voient l’eau comme un outil dont s’est servi Israël pour occuper la Cisjordanie et Gaza. Le contrôle de l’eau revêt une signification symbolique ici avec la terre, Jérusalem et les réfugiés. »

Vu l’hostilité qui règne dans la région, il est évident que l’eau va rester dans l'immédiat un grand sujet de discorde.

Solutions éventuelles

Bien qu’il n’existe aucune solution rapide à la pénurie d'eau que subit le Moyen-Orient, l’on dispose d’un certain nombre d'options technologiques qui aideraient à résoudre le problème à la fois au niveau de la quantité et de la qualité de l’eau.

Une de ces options, dont certains pensent qu'elle dégagerait de l'eau douce pour la consommation de l’homme, est le traitement et la réutilisation des eaux usées et des eaux de drainage pour l’agriculture. Israël est pionnière dans cette technologie. Un projet à Tel Aviv génère déjà assez d’eau pour cultiver environ 10 000 hectares. L’eau recyclée est assez pure pour un usage accidentel.

Le dessalement est une autre option qui est envisagée. « L’utilisation de l’eau saumâtre tirée des aquifères fossiles est développée dans le Negev », déclare Uri Shamir, fondateur et directeur du Stephen and Nancy Grand Water Research Institute à l’Institut de technologie d’Haïfa, en Israël. Mais actuellement, « le dessalement pour l’agriculture est encore trop coûteux, au moins jusqu’à ce que d’autres options soient épuisées ou que de nouvelles technologies fassent baisser les coûts », affirme Shamir.

Parmi les autres stratégies étudiées pour faire face aux pénuries d’eau, il y a l’amélioration des systèmes de canalisation d’eau municipaux et la réparation des conduits pour réduire les fuites, le ralentissement de la croissance de la population, ainsi que le lancement de campagnes médiatiques visant à apprendre à la population à économiser l’eau.

Mais bien que tous ces remèdes pourraient améliorer la situation, la vraie solution est bien sûr la paix. Wolf le souligne en effet : « Au bout du compte, la seule solution est de coopérer et de collaborer. Nous pouvons prendre des mesures de préservation ou lancer des solutions technologiques, mais tant que nous n’aurons pas la paix dans la région, ça ne va pas résoudre les problèmes sous-jacents. Déjà les ressources financières disponibles sont faibles. Alors si la sécurité reste toujours le premier souci, il ne vous reste plus aucune ressource pour prendre des mesures de préservation. Pourquoi investir dans de nouveaux systèmes de pompage s’il y a un risque qu’ils soient détruits ? La créativité, l'énergie et les ressources des gens sont épuisées par le conflit, au lieu qu’il y ait un travail de coopération pour résoudre les problèmes d’eau. »

L’avenir

Les avis des experts divergent sur la probabilité d’un futur conflit pour l’eau dans la région. Certains pensent que ce conflit est inévitable à cause des tensions politiques accrues. La peur concernant le manque croissant d’eau et l’absence de traités et de lois internationales concernant l’eau font augmenter la probabilité d’un conflit.

L’ancien roi Hussein de Jordanie avait fait remarquer lors d’un discours adressé à l’Université d’Ottawa en 1989 que « la rivalité pour l’eau est un facteur important de tension régionale » au Moyen-Orient. Abdullah Toukan, conseiller scientifique du roi, a déclaré en 1993 au National Geographic : « Dans cette région aride, l'eau c'est la vie. L'argent peut amener du matériel de dessalement mais la vraie solution reste de redonner un partage équitable de l’eau du Jourdain. » Meïr Ben Meïr, ancien directeur général du Ministère de l’agriculture d’Israël, a prédit il y a plusieurs années que « la prochaine guerre au Moyen-Orient sera faite pour l’eau. »

D’autres, cependant, croient que les futurs conflits pour l’eau sont improbables. « Les États ont en leur pouvoir de décider d’utiliser l’eau comme source de coopération plutôt que source de conflit », affirme Shamir. Il poursuit en déclarant que, durant les 50 dernières années, il n'y a eu que sept escarmouches liées à des disputes sur l’eau internationale, et aucune n’a débouché sur une guerre à grande échelle. Pendant la même période, des centaines de traités sur l'eau ont été exécutés, même pendant des périodes où les relations entre les partis concernés étaient tendues (par exemple entre l'Inde et le Pakistan et la Jordanie et Israël). Il ajoute : « Les gens sont prêts à coopérer à propos de l'eau parce que c’est un sujet trop important pour que l’on se batte, et tous les partis profitent de la coopération. Si vous cherchez des raisons pour vous battre, l’eau en est une bonne. Mais si vous recherchez la paix, l’eau peut être un médiateur. »

« Si vous cherchez des raisons pour vous battre, l’eau en est une bonne. Mais si vous recherchez la paix, l’eau peut être un médiateur. »

Uri Shamir

Wolf est du même avis. « L’eau a été une excuse pour que les gens se rencontrent et discutent. En fait, ça les a forcés à coopérer, même en période de fortes tensions », dit-il. Il donne en exemple le fait qu’Israël et la Jordanie avaient des pourparlers secrets sur l’eau depuis des années, bien avant qu’ils entament des relations diplomatiques. Malgré le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, les autorités israéliennes et palestiniennes en matière d’eau ont fait une déclaration commune demandant à Israël et à la Jordanie de respecter l’infrastructure relative à l’eau, en montrant qu’il était important d’effectuer les livraisons d’eau qui avaient été convenues dans des traités comme l’accord d’Oslo de 1993.

« Dans le monde entier, les gens ont montré que lorsqu’ils veulent résoudre leurs problèmes, non seulement les problèmes d’eau ne sont pas des embûches, mais ils aident à inciter les gens à coopérer », remarque Wolf. « Si vous regardez les plus grands ennemis du monde – les Indiens et les Pakistanais, les Israéliens et les Palestiniens, ou encore les Azerbaïdjanais et les Arméniens – tous ont de grands problèmes politiques, ethniques et religieux, et tous ont négocié des traités sur l’eau à une époque ou une autre. Je pense que ce qui pousse les gens à travailler ensemble, c’est de réaliser que les deux partis en ont besoin. Quels que soient vos sentiments envers votre ennemi, quelque part au plus profond de vous, vous reconnaissez qu'il a les mêmes besoins de base que vous. Ce n’est pas le cas pour la terre ou le pétrole ou tout autre chose. Mais quelque part, je crois que concernant l’eau, c’est vraiment différent. »