PDI ou réfugiés : quelle est la différence ?

En plus des 2,4 millions de PDI que compterait le Darfour, au moins 200 000 réfugiés Darfouris ont traversé la frontière soudanaise pour venir vivre au Tchad. Comme les PDI, les réfugiés ont quitté leurs maisons à cause des conflits et des violences qui sévissaient dans leurs villages. La différence entre eux est la suivante : « Un réfugié a traversé une frontière internationale et a cherché refuge dans un autre pays que le sien, alors qu’un PDI essaie de trouver refuge dans son propre pays », explique Nanda Na Champassak, porte-parole de la branche de l’UNHCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) en Ontario, Canada.

Une fois qu’ils traversent la frontière internationale, « leur situation est encore difficile, mais pas aussi grave que s’ils étaient restés dans leur propre pays », précise Walter Kälin, représentant du Secrétaire général de l’ONU sur les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, et professeur à l’université de Berne (Suisse). Premièrement, dit-il, « les gens qui peuvent quitter le Darfour s’éloignent de l’épicentre de la guerre, ce qui a des avantages évidents puisqu’ils peuvent échapper aux combats ».

Deuxièmement, note Kälin, une fois que les personnes qui cherchent refuge passent une frontière internationale, ils tombent sous la protection de l’UNHCR, une agence établie par les Nations Unies en 1951 ayant pour mandat de mener et coordonner l’action internationale visant à protéger et assister les réfugiés du monde entier. Une fois que les Darfouris arrivent au Tchad, ils sont amenés dans l’un des onze camps qui sont organisés et tenus par l’UNHCR. Par contraste, les PDI du Darfour n’ont pas droit à la protection qu’offre la loi internationale sur les réfugiés parce qu’ils restent dans leur propre pays et sous le contrôle du gouvernement soudanais.

« Le monde entier suppose que les personnes qui sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays – qui n’ont pas été forcées à quitter leur pays pour devenir des réfugiés – sont protégées par leur propre gouvernement, et par conséquent il n’y a aucune assistance ou protection internationale pour eux », dit Francis Deng, directeur de recherche à l’université Johns Hopkins et prédécesseur de Kälin aux Nations Unies. « L’ironie de la chose c’est que c’est leur propre gouvernement qui les déplace et qui les considère plus ou moins comme appartenant à l’ennemi. »

Pour les personnes déplacées à l’intérieur du Darfour, il n’y a aucune agence internationale ayant l’autorité ou la responsabilité de venir au Soudan pour les protéger. Le gouvernement soudanais autorise les organisations de secours privées à entrer au Darfour, mais pas dans toutes les régions et pas quand elles le désirent.

« La communauté internationale n’est pas légalement tenue de protéger les PDI, de les aider à revenir chez eux ou de leur trouver une nouvelle terre d’asile », déclare Jens-Hagen Eschenbächer, porte-parole du Global IDP Project et du Conseil Norvégien pour les Réfugiés, basé à Genève (Suisse). Par conséquent, ajoute Eschenbächer, « les PDI sont forcés de vivre dans la misère la plus totale, sans un accès adéquat à la nourriture, à un emploi, à des soins médicaux, à l’éducation. Souvent, ils n’ont personne vers qui se tourner. »

Les camps de PDI ne sont pas planifiés ou gérés de la même manière que les camps de réfugiés. La plupart d’entre eux « s’érigent de manière spontanée », déclare Roberta Cohen, du Brookins-Bern Project on Internal Displacement. « Ce sont juste de grandes zones de regroupement où les gens se sont arrêtés ou sont restés, mais le plus souvent, il n’y a aucune gestion de camp. »

Se pose également le problème de l’accessibilité. Les camps de réfugiés au Tchad sont accessibles aux agences des Nations Unies et aux organisations humanitaires non gouvernementales. Il n’y a aucune difficulté à distribuer de la nourriture, des vêtements, des tentes, des médicaments et autres produits de nécessité aux réfugiés situés au Tchad. Par contre, comme les combats sont très importants dans pratiquement tout le Darfour, les organisations de secours sont dans l’impossibilité d’atteindre la plupart des PDI.

« Il y a environ 400 000 PDI au Darfour qui n’ont accès à aucune organisation humanitaire », fait remarquer Cohen. « Ils se situent en dehors des limites et ne reçoivent aucune aide de la communauté internationale. » C’est peut-être dû au fait que les combats sont si violents qu’il est dangereux pour les travailleurs humanitaires de s’y rendre, ou au fait que le gouvernement limite l’accès aux zones détenues par les rebelles, ajoute-t-elle.

Alors pourquoi les gens restent-ils au Darfour en tant que PDI au lieu d’aller au Tchad et devenir réfugiés ?

« Certains vivaient près du Tchad, d’autres pas », répond Eric Reeves, chercheur et analyste spécialiste du Soudan. « Beaucoup auraient fui vers le Tchad s’ils avaient pu, mais le Darfour est une zone très vaste (environ la taille de la France) et c’est également une région très inhospitalière. Nombreux sont ceux qui sont morts de faim et de soif en essayant de rejoindre le Tchad. » Certains sont trop âgés ou trop malades pour faire le chemin, où ils n’ont pas l’argent nécessaire pour soudoyer les gardes frontaliers du côté tchadien, ajoute-t-il. D’autre part, selon l’endroit dans lequel ils vivent au Darfour, ils doivent traverser des montagnes ou de grands fleuves pour atteindre le Tchad, et certains sont physiquement incapables de fournir de tels efforts.