En juger d’après les fruits

Allant de village en village, tout en accomplissant des miracles et en guérissant les malades, Jésus-Christ enseignait l’importance pour chacun d’être reconnaissable par ses actes au quotidien.

Dans une fascinante référence laïque au personnage central du christianisme, l’historien juif partisan de Rome, Flavius Josephe, cite le nom de Jésus de Nazareth dans un texte datant de la fin du premier siècle. Il s’agit de la première et unique mention de son existence hors du Nouveau Testament. Entre autres déclarations, Josephe parle de Jésus comme d’un « faiseur de miracles ».

Pour le monde du XXIe siècle, les récits des prodiges ou miracles de Jésus doivent certainement représenter l’un des aspects les plus troublants de son ministère. Un esprit sceptique se doit de tenter une explication, laquelle jette une ombre sur ce qui est énoncé clairement et simplement dans le récit du Nouveau Testament. Or, un miracle n’est évidemment pas susceptible d’une explication rationnelle.

Ce que nous savons, c’est qu’après le ministère de Jésus, ses partisans étaient prêts à mourir pour ce qu’ils croyaient de lui. Certains d’entre eux ont écrit leur expérience personnelle, témoignant des œuvres miraculeuses auxquelles ils avaient assisté. Aussi la septième partie de notre série sur les Évangiles raconte-t-elle plusieurs « prodiges » accomplis par Jésus.

Nous commençons au moment où, après avoir conclu le Sermon sur la montagne, il quittait la pente qui descendait vers la mer de Galilée. Tandis qu’il marchait vers Capernaüm (Capharnaüm), petit village de pêcheurs sur la rive du lac, une foule nombreuse le suivait. À proximité de la synagogue, des chefs juifs locaux informèrent Jésus qu’un homme très malade avait besoin d’aide. En fait, il s’agissait du serviteur d’un centurion romain (Luc 7 : 1-3, Nouvelle Édition de Genève 1979, pour cet article).

Par une intéressante remarque sur les relations judéo-romaines, nous apprenons que le centurion avait apparemment bâti la synagogue de Capernaüm par respect pour le peuple juif. Les fondations de basalte noir de celle-ci sont peut-être celles que les touristes peuvent encore voir aujourd’hui.

Alors que Jésus se rendait auprès du paralysé, des messagers du centurion vinrent au devant de lui. Ils rapportèrent que, selon leur maître, Jésus n’avait pas besoin de venir : il n’avait qu’un mot à dire et le serviteur serait guéri.

Jésus sut alors qu’il était inutile de continuer ; le centurion comprenait que Jésus avait le pouvoir d’ordonner le départ de la maladie et que cela arriverait, un peu comme un officier romain qui commanderait à ses hommes d’effectuer une tâche. Sa foi dépassait la nécessité de la présence physique de Jésus auprès de son serviteur. Ce fut là une précieuse leçon pour tous.

Le lendemain, dans le petit village de Naïn situé sur le plateau qui domine Capernaüm, un autre miracle de Jésus poussa la foule à proclamer « un grand prophète est parmi nous » et « Dieu a visité son peuple ». Jésus avait vu une procession funéraire en approchant de la ville. Le fils unique d’une veuve était mort. La compassion de Jésus pour la femme le conduisit à toucher le cercueil et ramener le jeune homme à la vie (versets 11-17).

C’était le genre de prodige qui suscitait beaucoup d’égards. Cependant, un homme commençait à douter de Jésus.

LA QUESTION DU BAPTISTE

Par l’Évangile, nous découvrons avec étonnement que Jean-Baptiste — qui se morfondait dans la prison fortifiée d’Hérode au-dessus de la mer Morte — était en train de s’interroger sur la légitimité de la mission de Jésus.

Jean-Baptiste qui se morfondait dans la prison fortifiée d'Hérode au-dessus de la mer Morte, était en train de s'interroger sur la légitimité de la mission de Jésus.

Les disciples de Jean étaient venus lui apporter des nouvelles de la progression de Jésus. Sa réaction démontre, semble-t-il, un esprit perturbé. La prison l’avait-elle abattu au point qu’il aurait perdu foi en Jésus, alors qu’il l’avait lui-même annoncé comme l’Agneau de Dieu, celui dont il n’était pas digne de délacer les sandales (Jean 1 : 26-31) ?

En effet, Jean demanda à ses disciples de retourner vers Jésus pour lui poser cette question : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7 : 18-19). Sans doute Jean cherchait-il une solution plus rapide à l’oppression romaine. Il considérait peut-être Jésus comme un Messie politique en plus d’un Messie religieux.

Quand ses disciples transmirent sa question, la réponse de Jésus fut sans ambiguïté. « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute ! ». Jésus expliquait ainsi que les miracles qu’il réalisait par la puissance divine contribuaient à prouver son identité de Messie.

Une fois les disciples de Jean partis rapporter le message, Jésus profita de l’occasion pour parler du Baptiste à la foule. Il leur expliqua que Jean était un grand Prophète, cité dans les Écritures comme le messager qui précéderait sa propre venue. Il leur dit que Jean était l’Élie contemporain (Élie ayant été l’un des plus importants prophètes des débuts d’Israël) et que, en outre, il n’y avait jamais eu quiconque plus grand que Jean-Baptiste (versets 27-28 ; Matthieu 11 : 11-14).

C’était bien sûr les gens simples qui avaient reconnu la justesse de l’enseignement de Jean. Les pharisiens et docteurs de la loi, eux, n’avaient pas répondu à son exhortation à la repentance et au baptême, et Jésus était mécontent de cette réaction frileuse à l’égard de Jean.

NI LES SAGES NI LES INTELLIGENTS

Jean n’était pas le seul dont le message était ignoré. Suivant les traces de leurs ancêtres, beaucoup de ceux qui auraient dû en savoir davantage rejetaient les paroles et les œuvres de Jésus. Dans les villes galiléennes de Bethsaïda (Bethsaïde) et de Capernaüm, par exemple, Jésus avait accompli nombre de ses prodiges, ce qui avait suscité un comportement rarement positif de la part des soi-disant sages et érudits.

Il ne fait aucun doute que Jésus s’exprima aussi dans le village de Chorazin sur les collines qui s’élèvent au bord de la mer de Galilée. Les vestiges d’une synagogue — peut-être celle qui succéda au bâtiment que Jésus connut — y sont encore visibles. Ce village était aussi l’un de ceux que Jésus condamnait pour leur indifférence à son message. Les ruines de pierre noire sont un triste rappel du sort de Chorazin. Jésus s’expliqua ainsi : « […] car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et les cendres. C’est pourquoi je vous le dis : au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous » (Matthieu 11 : 21-22).

Ceux qui étaient accablés par la vie trouveraient la paix de l'esprit. Ceux qui reconnaissaient leur besoin d'apprendre recevraient l'enseignement de la vérité.

La critique de Jésus à l’égard des prétendus sages et intelligents, de même que sa reconnaissance de la réponse de bonne volonté de ceux qu’il appelait « les enfants », mettaient en relief la nature exceptionnelle de sa mission. Dans l’ensemble, c’était aussi les gens ordinaires qui bénéficiaient de son enseignement, et non ceux qui s’enorgueillissaient de leur position, leur pouvoir ou leur savoir. Ceux qui étaient accablés par la vie trouveraient la paix de l’esprit. Ceux qui reconnaissaient leur besoin d’apprendre recevraient l’enseignement de la vérité.

Il ne fallut pas longtemps avant que Jésus ait une autre occasion d’opposer l’attitude des pharisiens à celle du peuple. Un soir, Jésus était en train de dîner chez un pharisien. Une femme qui avait connu une existence de pécheresse vint le voir (Luc 7 : 36-37). On ne nous dit pas qui elle était, ni quels avaient été ses péchés. On peut supposer qu’il s’agissait d’une prostituée qui, ayant entendu le message de Jésus, venait maintenant montrer son repentir.

Elle commença par couler des pleurs sur les pieds de Jésus, puis les parfuma (verset 38). S’occuper des pieds étant le travail des serviteurs, c’était là une marque d’humilité de la part de la femme, et un geste symbolique de son profond repentir pour ses péchés. Luc nous raconte que la femme a essuyé les pieds de Jésus avec ses cheveux, ce qui indique qu’ils n’étaient pas attachés. Voilà qui était plutôt inhabituel, car une femme attachait normalement sa chevelure en public. Une indication qui reflète peut-être la vie de cette femme perdue.

Le pharisien, qui s’appelait Simon, n’approuvait manifestement pas la tolérance de Jésus à l’égard de celle-ci. Il pensait en lui-même que Jésus ne pouvait pas être un saint, sinon il n’aurait pas laissé cette sorte de femme le toucher.

Percevant cette attitude, Jésus dit : « Quand je suis entré dans ta maison, tu ne m’as pas offert d’eau pour me laver les pieds, ni accueilli d’un baiser ou oint ma tête d’huile. Cette femme, elle, a versé sur mes pieds des larmes de repentance, puis elle a baisé mes pieds et les a parfumés. Son attitude est pleine d’amour et d’humilité, et ses nombreux péchés ont été pardonnés. En revanche, Simon, ton manque d’amour et d’humilité peuvent signifier qu’il te sera peu pardonné, car tu n’as pas recherché le pardon de Dieu » (versets 44-47 paraphrasés).

REJETÉ PAR LES SIENS

Peu après, Jésus débuta son deuxième périple dans la région de Galilée, emmenant avec lui ses douze disciples et quelques femmes qui les assistaient de leurs moyens (Luc 8 : 1-3). Le nom de certaines d’entre elles est cité ; l’une d’elle, Jeanne, permet une relation intéressante avec le contexte politique de l’époque. En effet, elle était l’épouse de Chuza, qui était intendant de la maison du roi Hérode Antipas. Il est probable qu’un lien si étroit avec Hérode aura donné au souverain la possibilité de connaître tôt ou tard les activités de Jésus. L’implication inquiétante d’Hérode dans les ministères de Jésus et de Jean-Baptiste constitue certainement une trame sous-jacente des Évangiles.

Toutefois, les chefs politiques et religieux n’étaient pas les seuls à s’intéresser à Jésus et à ses activités. Il préoccupait même sa propre famille, en particulier depuis que la foule qui le suivait était si importante que, parfois, il ne parvenait même pas à manger. De plus, sa famille se faisait apparemment du souci pour sa santé mentale : « Il est hors de sens », auraient-ils dit (Marc 3 : 21). Manifestement, leur foi en leur remarquable proche était très limitée à ce stade.

À l’instar des prophètes d’autrefois, Jésus souffrait d’être rejeté, ce qui arrivait communément aux messagers de Dieu.

Cependant, comme les miracles de Jésus continuaient, la foule supputait qu’il pouvait être le Messie, fils de David. Évidemment, la hiérarchie religieuse en rejetait l’idée, préférant plutôt l’accuser d’être allié au prince des démons, Béelzébul, ou Satan. Combien de fois ceux qui font le bien sont-ils calomniés ! À l’instar des prophètes d’autrefois, Jésus souffrait d’être rejeté, ce qui arrivait communément aux messagers de Dieu.

Ce mépris, pourtant, n’empêcha pas Jésus de continuer à fixer les limites. Il souligna devant les formalistes de Jérusalem qu’une maison divisée contre elle-même ne pouvait pas subsister (Marc 3 : 25). Il était insensé d’accuser Jésus de collusion avec Satan alors qu’il débarrassait les possédés de ceux qui persécutaient leur esprit. En revanche, Jésus avertit les pharisiens de se garder d’accuser le Saint-Esprit d’être malfaisant, sous peine de ne pouvoir être pardonnés.

S’inspirant de l’analogie des bons fruits issus des bons arbres et des mauvais fruits produits par les mauvais arbres, Jésus qualifia les hypocrites pharisiens de nids de vipères, incapables de dire sincèrement quoi que ce soit de bien (Matthieu 12 : 33-35).

Néanmoins, les scribes et les pharisiens persistèrent, résolus à prendre Jésus au piège. Ils demandèrent alors un signe miraculeux (verset 38). Refusant de s’exécuter, Jésus expliqua que le seul signe qu’ils verraient serait celui du prophète Jonas, qui était resté trois jours et trois nuits dans le ventre d’un énorme poisson. Faisant référence à l’Ancien Testament et à l’histoire de Jonas rencontrant ce que l’on a coutume d’appeler « la baleine » (bien qu’aucune mention explicite de cet animal ne figure dans la Bible), Jésus parlait de sa propre mort et de son ensevelissement dans la tombe pendant trois jours et trois nuits. Le signe de son identité de Messie résidait dans le fait qu’il n’allait rester dans les entrailles de la terre que trois jours et trois nuits.

Le rejet de Jésus par les scribes et les pharisiens n’a fait qu’intensifier sa détermination à distinguer ceux qui enseignaient la vérité et ceux qui ne le faisaient pas.

À cet instant, sa mère et d’autres membres de sa famille arrivèrent et le demandèrent. En réponse, il démontra que la famille spirituelle (celle qui suit sa voie) était plus importante que sa famille physique (versets 46-50). N’oubliez pas que sa propre famille pensait qu’il était fou. C’est pourquoi Jésus souligna que sa mère et ses frères étaient ceux qui entendaient la parole de Dieu et la mettaient en pratique.