Mieux se connaître

Avec l’aide de quatre descriptions, nous obtenons quatre perspectives sur le même homme : il y a tout d’abord la vision qu’il a de lui-même, puis la vision que sa partenaire a de lui ; il y a ce que ses collègues voient en lui et enfin, ce qu’il est réellement. Ainsi, il est jeune, de tempérament gagnant et débordant d’énergie ; beau et héroïque ; c’est un employé non coopératif ; et enfin, c’est un homme irascible, montrant des signes de vieillissement.

On dit souvent qu’il serait utile de se voir comme nous voient les autres, pourtant cette perspective s’avérerait insuffisante, puisqu’un des aspects les plus complexes de notre parcours individuel, c’est l’objectivité par rapport à soi ; non seulement voir ce que les autres voient en nous, mais ce que nous sommes réellement.

O wad some Power the giftie gie us
To see oursels as ithers see us!”

(Traduit de l’écossais par : « Oh ! si quelque puissance pouvait nous accorder la faveur / De nous voir comme nous voient les autres ! ») Robert Burns, « À un pou »

Sans cette perspective, est-il jamais possible de mettre en place les changements nécessaires pour devenir meilleur et pour, une fois pour toutes, grandir et atteindre la maturité affective ?

Nombreux sont les adultes immatures qui vivent à la merci d’émotions négatives dans le monde d’aujourd’hui. L’autocritique honnête est la clé pour faire voler en éclat toute fausse image de soi. Mais par où commencer ? Nous pouvons commencer par nous demander dans quelle mesure nous contrôlons nos réactions aux sentiments de colère, de peur, de jalousie ou de convoitise, à quel point l’intolérance, le pessimisme et l’infériorité gouvernent nos agissements, ou en quoi nous sommes gênés par l’orgueil, l’amertume et l’apitoiement sur nous-mêmes.

Cette liste de déclencheurs émotionnels, aussi partielle soit-elle, n’en est pas moins titanesque. Le plus difficile, paraît-il, est d’admettre nos erreurs. Mettre en place les changements nécessaires est pratiquement aussi difficile. Nous avons tous déjà succombé à une colère infondée. Nous avons tous omis d’admettre que nous avions eu tort de réagir ainsi. Et dans une certaine mesure, nous avons tous omis de mettre en place tout changement durable en nous.

Un des secrets pour y parvenir pourrait bien être de comprendre comment fonctionne le cerveau lors de nos incessantes rechutes dans des comportements mauvais. Récemment, les neuroscientifiques ont compris que le traditionnel mécanisme stimulus-réponse fonctionne à partir de boucles neuronales de retour d’information qui peuvent devenir fixes. Ce que nous appelions par le passé les mauvaises habitudes, ce sont en fait des boucles de retour d’information qui, une fois activées, doivent obligatoirement être refermées. La réponse colérique dictée par l’habitude doit donc suivre son cours. Pour qu’il y ait changement, il nous faut rompre la boucle de retour d’information et la remplacer par une pratique nouvelle. Par exemple, ceux qui souffrent de comportement obsessionnel-compulsif arrivent à rompre la boucle en choisissant de ne pas agir lorsque le désir de se laver incessamment les mains se présente à eux. En termes thérapeutiques, on dit qu’ils se donnent la permission de ne pas agir de manière négative. Répété dans le temps, ce refus d’agir reprogramme le cerveau et remplace la réponse malsaine par une réponse saine. Pour utiliser les termes de la tradition judéo-chrétienne dominante en Occident, la maîtrise de soi et le repentir sont les clés de la maturité affective.

« Ainsi, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère ; car la colère de l'homme n'accomplit pas la justice de Dieu. » 

Jacques 1 :19 à 20

C’est certainement ce dont nous avons besoin dans un monde profondément troublé, fracturé par les divisions politiques et sociales, par le ressentiment et les inégalités, par les murs-frontières et par d’autres formes plus subtiles d’exclusion, par la purification ethnique et autres agissements d’une cruauté innommable. Les émotions négatives jouent un rôle central dans ces facettes de la vie moderne. Pourtant, il existe des réponses à nos immaturités affectives, des moyens de nous voir tels que nous sommes et de mettre en place de réels changements. Car pour reprendre les paroles du prophète Michée : « Ce que l'Éternel demande de toi, c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu. » (Michée 6 :8).